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Les défis de l'été : Benoit Gandolfi – Record de D+ en 24H




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Bonjour Benoit, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Benoit Gandolfi, j’ai 31 ans. J’exerce deux professions différentes mais bien complémentaires. Professeur d’EPS en semaine et accompagnateur en montagne les week-ends et pendant les vacances scolaires. Après une enfance et une scolarité dans les Vosges, je suis parti étudier à Grenoble pendant 6 ans pour passer le diplôme du CAPEPS. En parallèle de mes études est née une passion pour le voyage et les grands espaces. Les premières années d’enseignement m’ont mené en région parisienne pendant 5 longues années. J’ai ensuite obtenu une mutation pour l’Alsace où j’ai pu me rapprocher du massif des Vosges. Depuis quelques mois je vis désormais sur les hauteurs de Gérardmer, dans le merveilleux petit village de Liezey où je m’adonne à mes passions premières, le sport Outdoor, la lecture et l’envie toujours plus grande d’explorer le monde qui m’entoure.


Peux-tu nous explique ta vision du Trail et plus globalement de ton rapport avec la montagne ?

Je suis venu au Trail un peu par hasard. J’ai commencé à arpenter la montagne le sac au dos lors de grandes explorations avec ma compagne. Nous partions traverser des contrées comme la Norvège, la Laponie suédoise, Madère ou encore la Sicile avec 15 à 20 kilos sur le dos. Je me suis vite rendu compte que lorsque j’enlevais ce poids de mes épaules, le déplacement se faisait plus rapidement et avec plus d’aisance. On peut dire que je suis venu au Trail en voulant toujours aller voir ce qu’il y avait au sommet de la montagne. Et en un minimum de temps (rires !!)
Tu partages de nombreuses sorties avec ton ami Stéphane Brogniart ; partagez-vous la même philosophie ?

J’ai découvert Stéphane, une autre forme de pratique, beaucoup plus centré sur des sensations intérieures et beaucoup moins sur la notion de performance chiffrée. Cela m’a permis de grandir en tant que sportif. Je pense que nous partageons énormément de valeurs en commun et le goût pour ce qui sort un peu de la norme et du consensus. On aime bien être un peu à part et faire du Trail et de l’aventure à notre sauce.

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Après la traversée de l'Atlantique à la rame de Stéphane, vous vous êtes lancé dans un défi plus terrien : l’intégral 2020 ! Peux-tu nous présenter ce projet et comment il s’est déroulé ?

Pendant la période étrange du confinement, je me suis occupé de la quarantaine d’athlètes que Stéphane accompagne. Ce dernier avait choisi le bon moment pour une petite virée à la rame sur l’Atlantique (rires !!). Avec l’absence de compétition, j’ai dû redonner de la motivation à l’ensemble des athlètes. Pour compenser le dossard, je leur ai demandé d’imaginer un défi un peu fou à réaliser pendant l’été. Au retour de Stéphane en France, on a voulu montrer l’exemple à nos athlètes en s’imaginant nous aussi notre défi remarquable. Nous avons tout de suite pensé aux dix montées du Ceramiq Vertical Vosges Challenge que j’ai créé avec l’ami Noé Liger. Pour pimenter le tout, nous ferions chaque liaison en vélo pour rejoindre les sommets majeurs du massif des Vosges. Au final, 47 heures plus tard et 370 kilomètres plus loin, nous bouclions l’Intégrale. Cette expérience restera unique pour moi tant sur le format (d’ultra endurance) dont c’était une première que sur l’engouement généré par l’événement avec des dizaines de coureurs nous rejoignant à chaque montée.

Les 27 et 28 août dernier tu t’es lancé dans un nouveau défi : le record de dénivelé positif en 24H. Quelle a été la motivation première pour te lancer dans ce défi ?

Je me suis également retrouvé dans la peau d’un athlète dont tous les objectifs ont été annulés à cause des conditions sanitaires du moment (le circuit mondial de SkyRunning). Après l’Intégrale j’ai réalisé que mon corps avait bien encaissé la distance et la durée sur un effort tout à fait particulier. Ça faisait un moment que ce défi des 24 heures m’inspirait. C’était le bon moment pour le tenter surtout après avoir passé tout l’été à faire beaucoup de volume et de dénivelé.
Et Pourquoi celui-là précisément ?

Post confinement, ce défi a été battu à deux reprises par un Finlandais avec 16 000 D+ puis par l’Italien Manfredi avec 17 000 D+. J’ai été impressionné par leurs performances et j’ai voulu moi aussi me frotter à ce record.

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Comment as-tu vécu ce défi ?

Quelques mois après, j’ai encore du mal à mettre des mots précis sur les sensations du moment. J’ai passé 13 heures à faire des allers retours sur une pente de 133.5D+. Dis comme ça, ça peut paraitre totalement stupide. J’ai essayé de créer une bulle totalement étanche pour être dans mon monde mais cela n’a pas suffi. J’ai dû abandonner au milieu de la nuit, ne pouvant absolument plus descendre à cause d’un genou extrêmement douloureux. Il restera de ce défi, malgré l’échec, un grand sentiment de fierté d’avoir pu fédérer autour de moi tout un groupe de coureurs et de copains venus m’encourager et m’aider tout au long de ce périple intérieur. Je ne serai jamais assez reconnaissant pour toutes celles et ceux qui m’ont apporté soutien et réconfort pendant ces très longues heures.

Sur un défi si long, comme tu l'indiques, on entre en introspection. Peux-tu me donner pour chacun des 5 sens (goût, odorat, ouïe, vue et toucher) ce que tu gardes en mémoire et ce qui te rappel à ton aventure ?

Au niveau du goût, c’est sans aucun doute le mélange Pomme de terre/chique (sauce blanche vosgienne) qui l’emporte. C’était le duo gagnant et mon seul carburant pendant les quelques heures à affronter la nuit. En ce qui concerne l’odorat, c’est l’odeur du fenouil sauvage qui me reste en mémoire. Nous foulions un sentier qui en était rempli et son parfum embaumait l’ensemble de la montée. Pour ce qui est de l’ouïe, je me souviens finalement que d’un seul bruit récurrent, celui de la cellule chronométrique en haut de la piste. Un BIP qui signifiait que je venais de faire 133.5 mètres de dénivelé supplémentaire. Si je ne dis pas de bêtises, j’ai dû entendre ce BIP 64 fois !!! La nuit était le facteur inconnu pour moi dans ce défi. Nous avions placé une dizaine de torches lumineuses tout au long de la montée. Tel un matelot perdu en pleine mer, ces points lumineux me servaient de phare pour me repérer comme une seconde vision. Le contact avec les dragonnes de mes bâtons seront le souvenir kinesthésique de cette épopée. Au moment où mes jambes commençaient à me faire défaut, je ne pouvais plus compter que sur ces deux tiges en carbone pour essayer de me propulser en avant.

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Tu as malheureusement été contraint à l’abandon, après un problème avec ton genou gauche. Ce même week-end dans le Haut-Doubs, l'ultra-traileur Patrick Bohard engagé dans le même défi s’empare du record avec 17 km de dénivelé positif en 24 heures (D'autres le battront encore ensuite). Avec ton recul sur cette expérience quelle est la recette pour battre ce record ? Si c’était à refaire que changerais-tu ?

La recette pour battre ce record réside dans une double équation. Réussir à trouver la pente idéale qui te permettra de gravir le plus de dénivelé positif en minimum de temps tout en sachant qu’il faudra la descendre en essayant de casser le moins de fibres musculaires possible. Patrick Bohard s’est élancé sur une pente à 40% tandis qu’Aurélien Dunand Pallaz une semaine plus tard s’est emparé du record avec 17250D+ sur une pente à 28%. Comme quoi, il n’a y pas de recette miracle si ce n’est celle qui te convient le mieux. Si c’était à refaire, je ne changerai rien, hormis quelques détails minimes. Mais dans ce genre de défi, c’est évidemment les détails qui font la différence. On verra l’année prochaine si j’ai retenu la leçon...
Tu as malheureusement été contraint à l’abandon, après un problème avec ton genou gauche. Ce même week-end dans le Haut-Doubs, l'ultra-traileur Patrick Bohard engagé dans le même défi s’empare du record avec 17 km de dénivelé positif en 24 heures (D'autres le battront encore ensuite). Avec ton recul sur cette expérience quelle est la recette pour battre ce record ? Si c’était à refaire que changerais-tu ?

La recette pour battre ce record réside dans une double équation. Réussir à trouver la pente idéale qui te permettra de gravir le plus de dénivelé positif en minimum de temps tout en sachant qu’il faudra la descendre en essayant de casser le moins de fibres musculaires possible. Patrick Bohard s’est élancé sur une pente à 40% tandis qu’Aurélien Dunand Pallaz une semaine plus tard s’est emparé du record avec 17250D+ sur une pente à 28%. Comme quoi, il n’a y pas de recette miracle si ce n’est celle qui te convient le mieux. Si c’était à refaire, je ne changerai rien, hormis quelques détails minimes. Mais dans ce genre de défi, c’est évidemment les détails qui font la différence. On verra l’année prochaine si j’ai retenu la leçon...

Quels conseils donnerais-tu à qui souhaite se lancer dans un défi identique ?

Ne pas vouloir copier les autres, trouver la pente qui te semble idéale, s’entrainer des heures et des heures en amont sur cette même pente. Et surtout, créer un événement festif autour de ce défi pour permettre de tenir 24 heures en compagnie de tes proches et dans une ambiance qui invite au partage.
Quelle sera ton prochain défi ou ta prochaine aventure ?

Je pars demain pour la Corse pour suivre le compère Brogniart sur le BikingMan Corsica. Un périple de 850 kilomètres à vélo autour de l’île de beauté. On verra ce que ça donne, peut-être que les prochains défis se feront le cul sur la selle !!

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Interview réalisée par Nicolas Fried.

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