Photo : DR |
Bonjour Pierre, peux-tu te présenter ?Né à Narbonne en 1982, j’ai été parachuté en Alsace en 2004 pour finaliser mes études et décrocher un Master en Réseaux et applications informatique. J’ai eu la chance d’intégrer en qualité de chef de projets, une grande entreprise locale très présente dans la vie économique et sociale de la région : Electricité de Strasbourg. Tombé très vite amoureux de l’Alsace, je me suis adapté à la vie locale : 16 ans déjà. Dans la « foulée », j’ai rencontré une belle alsacienne volleyeuse avec qui j’ai eu 2 beaux enfants dont nous sommes fiers, une maison, un chien, un caméléon et quelques poissons dans un joli petit village alsacien : le cliché de la famille parfaite :) Réservé, dynamique et sportif, j’ai toujours été attiré par la course à pied et la nature mais c’est seulement en 2012, embarqué par des copains que je participais à mon 1er trail accompagné de ma conjointe : une découverte folle sur les mini-crêtes. Mémorable souvenir, une sensation incroyable de liberté : je me suis senti vivant, comme un animal qu’on venait de sortir de cage. |
Photo : DR |
Comment as-tu vécu ce défi ?L’organisation a été stressante positivement : c’était très compliqué de mettre en place cette logistique mais quoi de plus satisfaisant que de se préparer à une épreuve sportive qui ne dépend que de soi pour atteindre son but. J’avais hâte de préparer le tracé, fixer mes objectifs journaliers en estimant l’allure moyenne fonction de la météo, de la fatigue physique croissante, du dénivelé positif et de mes capacités tenant compte de mon expérience passée sur les Trails et Ultra Trails. C’est autant de paramètres à considérer, marqué par l’absence de confort lors des courses organisées qui rendent ce challenge si exceptionnel : l’aventure parfaite, mélange entre Indiana Jones et Robinson Crusoé 😊
Quand on part seul pour une si longue distance, il faut penser à tout. Et quand le matériel est prêt, la roadmap fixée, la météo connue, on se sent beaucoup plus serein. A quelques jours du départ, c’était un sentiment d’impatience et d’excitation. Mes jambes tremblaient de peur et d’envie de la même manière que lorsque je participe à des courses. Chaque journée complète contenait pas moins de 90kms pour 3000-3500d+ et les demi-journées restantes approximativement 55kms pour 2500d+ alors j’essayais de respecter mes horaires de départ et d’arrivée pour rejoindre les hôtels réservés par avance pas trop tard dans la nuit. Ainsi, je pouvais profiter d’une bonne douche, d’un automassage des pieds, de quelques pintes de bières en pression, d’un bon repas chaud et d’une nuit dans un bon lit. Chaque soir après les repas, je visualisais le parcours du lendemain : jour après jour, pas après pas mais avec un regard au loin. Mes amis ont été prévenus 1 semaine avant mon départ, lorsque tous les petits détails ont été plus ou moins finalisés. Ceux qui le désiraient, pouvaient me rejoindre sur un bout de chemin avec pour seule consigne « Avancer à mes côtés avec un état d’esprit positif ». Durant cette épreuve personnelle, c’est l’esprit libre en union avec la nature que j’ai parcouru les sentiers et c’est en activant le Livetrack que je rassurais mon entourage, leur permettant de consulter mon avancement. Je remercie Alice, Mika et Marianne qui ont pu me rejoindre sur cette épreuve, je remercie tous ceux qui m’ont suivi à distance et je remercie ma femme et mes enfants qui m’ont toujours épaulé me permettant de garder le cap que je m’étais fixé. Alice m’a évité le stress du départ en m’emmenant jusqu’à Giromagny et me donner les premiers encouragements. Mika m’a accompagné du Donon à Gensbourg m’évitant ainsi le mur à mi-parcours : nous avons ensemble vaincu la difficulté d’un temps capricieux. Marianne m’a fait la surprise de croiser mon chemin au niveau du Schneeberg et son énergie positive m’a donné la force de continuer. C’est d’ailleurs ensemble que nous avons terminé la centaine de kilomètres restants jusqu’à l’arrivée à Obersteinbach « merci à toi ». Au final, j’ai dû revoir très légèrement ma feuille de route, le projet fut une réussite en 45h de course avec 276kms et 73h30 écoulé : une belle fierté personnelle. Je ne cache pas que c’était plutôt difficile d’enchainer les kilomètres en si peu de temps et aussi peu de repos : ce sont mes pieds qui ont souffert le plus. |
|
Photo : DR |
Photo : DR |
Si c’était à refaire que changerais-tu ?J’ai eu très peu de temps d’organisation et malgré tout je suis globalement satisfait de ce que j’ai réalisé. Il y a malgré tout une chose à laquelle je n’avais pas pensé ou trop tardivement qui influe sur le mental et le physique : tenir compte des fausses routes, des routes barrées et des auberges fermées pour cause de COVID. En effet, la montre est un atout, les cartes IGN et le téléphone sont des outils confortables mais il est très difficile de regarder ses pieds et le tracé en même temps : l’erreur est humaine et j’aurai dû prévoir ces temps de retard ou mieux marquer les changements de direction/balises. J’ai quand même dépassé d’approximativement 20kms la distance totale estimée :-) Tous les petits plaisirs sont bons pour le moral. Je prévoyais sur ma feuille de route des arrêts dans des auberges pour généralement prendre quelques bières et bretzels durant la pause déjeuner, j’ai été particulièrement affecté mentalement lorsque j’ai vu tout le village d’Obersteigen fermé pour COVID : ce n’est pas tant la bière, quoi que... |
Photo : DR |
Quels conseils donnerais-tu à qui souhaite se lancer dans un défi identique ?Il faut apprendre à se connaitre suffisamment avant de se lancer dans un défi quel qu’il soit. Il ne faut pas sous-estimer les dangers de la montagne et bien garder à l’esprit qu’un parcours n’est jamais le même selon la météo des jours passés et la saison : le terrain est différent et le corps ne réagit pas de la même façon. Il faut également adapter son matériel et ne pas hésiter à emporter plus que nécessaire afin de couvrir tous les imprévus. Quand on est seul, on ne peut compter que sur soi-même, il n’y a pas de place à un excès de confiance : se mettre en danger n’a aucun sens ! Il ne faut pas avoir peur de l’échec : renoncer plutôt que s’obstiner peut s’avérer nécessaire et constitue une force. Un conseil que je n’ai pas appliqué : il serait plus prudent d’avoir une personne qui accompagne pour assister, un accident peut très vite arriver et compliquer les secours. Une dernière chose, pensez plaisir plutôt que performance en profitant des paysages et surtout vérifiez votre matériel avant de partir : ma poche à eau était percée dès le départ et j’ai dû tourner à 2 flasques de 500ml chacune (stress supplémentaire inutile) mais heureusement je suis un chameau et me contente de peu. |
Quelle sera ton prochain défi ou ta prochaine aventure ?Depuis que je suis revenu de ce périple fin Aout, j’ai déjà pu participer à quelques courses officielles courtes et longues en montagne mais également des sorties « off » entre copains : ça fait du bien de croiser les figures du trail. Cependant, force est de constater que les difficultés à maintenir les courses sont toujours présentes : cette fin d’année se profile dans la morosité. Ce défi m’a marqué et restera pour longtemps ma plus belle balade mais dans ce contexte COVID je suis dans l’obligation (ah ah) de programmer la suite et c’est sans déplaire à certains. La traversée du Jura pour le printemps 2021 (300-350kms) sera mon prochain défi et j’ai déjà trouvé les fous qui m’accompagneront : certains sont au courant d’autres le seront prochainement 😉 |
Photo : DR |