Internationale française de 100km, qu'elle a été ton parcours sportif pour à 37 ans devenir « une 100 bornarde » ?CM : Je n'ai pas un parcours classique car je suis une musicienne à la base (pianiste). Je n'ai commencé la course à pied qu'à 23 ans passés. J'ai bien sûr fait de l'athlétisme à l'école, j'ai toujours aimé courir (l'endurance surtout) et je gagnais chaque année les cross scolaires là où j'habitais (Finistère / Bretagne). Sortie de gros soucis de santé mi 1999, 7 années terriblement difficiles, j'ai commencé doucement à courir 3 x 30'sur tapis par semaine environ, puis sur route, tout début 2000. Je me suis inscrite à ma première course, le semi-marathon de Paris début mars de cette même année où j'ai (logiquement) beaucoup souffert. Cela ne m'a pas empêchée de faire un marathon, mon premier, le 1er mai toujours de la même année. J'y réalise 3h51, et j'y ai pris un plaisir immense ! J'étais « piquée », un mois après je refaisais un marathon. J'ai enchaîné courses sur route, du marathon au 10 km, en passant par un 100 km de nuit et des courses nature. J'avais un Pass Running, je courrais pour le plaisir uniquement. Comme toute joggeuse novice et pratiquante seule, je faisais à l'envie. Au bout de 2 années ainsi, je me suis inscrite au club de Montrouge (région parisienne, où j'habitais). J'ai découvert beaucoup de choses comme un entraînement à peu près construit. Je ne me contentais auparavant que de footings avec allures variées, à la sensation. Personne ne courrait chez moi, j'ai commencée seule et sans aucuns repères. |
100km de Theillay (Photo Christophe Rochotte) |
CM : Il y a beaucoup de choses qui se ressemblent sur ces 2 distances. A part le fait indéniable que la distance est plus de 2 fois supérieure. Il y a toute cette préparation préalable et minutieuse de son ravitaillement, de la gestion de sa course, trouver la bonne allure qui permettra de vivre au mieux cette distance qui fait si peur mais qui est pourtant à la portée de tout le monde (un minimum préparé bien entendu). Il y a la gestion de tous les petits soucis qui peuvent advenir en course. La gestion extrêmement importante du mental pendant la course. Il faut rester confiant quoi qu'il se passe, car la forme et les sensations fluctuent. Ce n'est pas parce que vous vous sentez particulièrement mal au 20ème km que vous n'arriverez pas au bout. Au 50ème km vous aurez peut-être la forme de votre vie, ou au 40ème, ou au 70ème. Vivre sereinement son Aventure Intérieure qu'est le 100 km est synonyme de faire la course la plus agréable possible, en se détachant de la souffrance physique plus ou moins intense qui est inéluctable |
100km de Theillay (Photo Christophe Rochotte) |
La saison de cross (Photo DR) |
CM : Classiquement l'hiver est le temps des cross. Même sur du long, je trouve cette saison particulièrement intéressante en terme de prépa physique. On s'y fait vraiment très mal, il n'y a pas de chronos, il faut être devant, les conditions sont majoritairement difficiles, on travaille le stress et sa gestion de course de façon différente.
Après une bonne saison de cross j'ai toujours fait mes meilleures courses. (Meilleure place aux France de cross : 19ème en 2009 avant mon record sur marathon) Souvent il y a soit un marathon soit un 100 km au printemps au sortir des cross. Et/ou soit à l'automne. Je pense que pour faire la meilleure saison qui soit, il faut savoir placer ses principaux objectifs et s'y tenir ! On ne peut pas avoir 3 objectifs principaux dans une saison, il y en a 1 voire 2. Les autres courses sont des courses qui peuvent être intégrées dans la prépa de l'objectif principal, soit parce qu'elles sont utiles, soit parce qu'on a envie de se faire plaisir, soit parce que ça tombe bien à ce moment-là. Il ne faut pas se tromper d'objectif, mais cela n'empêche pas de faire des courses à côté. |
Mon secret ? Il n'y en a pas. Une organisation au top est indispensable, faire les bons choix aux bons moments, et la Passion de ma discipline. Il y a des semaines où je m'entraîne jusqu'à 14-15h en plus de mon boulot professionnel et mon boulot de Maman. Je ne peux m'entraîner que 5 jours par semaine en général, je concentre donc mes sorties. Cela réduit le temps que je passe avec mon fils forcément.
Heureusement ce ne sont que quelques semaines. Le reste du temps Joachim est ma priorité. J'essaie de passer le plus de temps possible avec lui. Les temps d'entraînement et autres sont donc soient optimisés, soient réduits. Il n'y a pas de cinéma, pas de magasins, pas de restaurant, pas de sorties… C'est entraînement, Joachim et boulot. C'est ça la Vie, il faut faire des choix, ne pas les regretter, les vivre à fond et se donner les moyens pour que tout se passe au mieux pour tout le monde. Plus tard je pourrais me dire que j'ai eu la chance de pouvoir vivre au maximum ma passion avec les conditions que j'avais et j'espère que Joachim sera fier de sa maman. (Il adore déjà les coupes, les aligne dans sa chambre et court partout en criant : « Gagné ! ») |
Victoire et record au Marathon du Vignoble (Photo DR) |
100km de Belvès (Photo DR) |
J'avais fait une bonne prépa, j'étais prête et confiante, mais lors du regroupement équipe de France 4 semaines avant le championnat la podologue a modifié ma semelle gauche. Je porte des semelles de posturologie car j'ai un pied gauche plat. J'ai donc besoin d'un renfort de la voûte plantaire pour éviter de trop grosses tensions de la chaîne postérieure de cette jambe, déjà sources de blessures récurrentes au genou gauche. J'ai commencé à avoir mal au dos avant la course. Le kiné, la veille de la course m'a examiné et m'a remis plusieurs choses en place puis m'a dit que ça irait.
Effectivement j'ai eu moins mal au dos, cela ne m'a pas gêné sur la course. Mais j'ai commencé à avoir de grosses douleurs musculaires de façon très asymétrique aux jambes. Devant d'un côté et derrière de l'autre. Dès le 60ème km. Cela s'est aggravé de façon tellement intense que je ne pouvais plus mettre un pied devant l'autre. J'ai tenu à terminer la course, quelles que furent les douleurs. J'ai marché 20km pour m'écrouler à l'arrivée. Rentrée chez moi j'ai attendu 1 semaine de me remettre puis j'ai consulté un très bon podologue du sport à Strasbourg. Il a trouvé que l'ajout sur ma semelle avait été très agressif, qu'il n'aurait jamais dû avoir lieu, que je n'avais pas eu le temps d'adapter ma posture à cette modification de ma semelle et que j'avais eu de la chance d'avoir pu déjà finir ainsi. On ne change jamais quoi que ce soit aussi près d'un objectif !!! J'ai à nouveau beaucoup appris. J'ai fait confiance sans savoir. Maintenant je sais. |
CM : Oh oui !
La distance fait peur mais le réel dépassement sur cette distance, sur tout Ultra d'ailleurs, est le dépassement de soi. C'est comme une véritable introspection intérieure. Il faut être capable d'oublier la douleur, de la mettre « en parenthèse » plutôt. Souvent je dis qu'il faut savoir « débrancher » son corps de son esprit. Il n'y a pas de secret, sur 100 km tu souffres, physiquement, parfois et/ par moment intensément, plus que tu ne pensais pouvoir le supporter, mais il faut quand même avancer, sans réduire ton allure ou au minimum, continuer. Dans ces moments-là je me dis que « la douleur est une vue de l'esprit », ou je me tourne en boucle une phrase de Dany Boon « je vais bien, tout va bien ». Je pense à autre chose, surtout pas à ma douleur. Il faut aller au-delà de cette douleur. Il faut pour cela être très costaud dans sa tête, dans son esprit, car il y a aussi des moments où c'est moralement que tu souffres, parfois au-delà de ta souffrance physique. « je n'y arriverai pas », « je n'en peux plus », « j'en ai assez », « je n'ai qu'une envie c'est de m'arrêter », « je ne supporte plus d'avoir mal », etc … Il faut sans cesse se remotiver, se re booster, aller de l'avant, se dire que ça va passer, que les sensations vont revenir, que tu vas y arriver, que … C'est un véritable travail sur toi-même, sur ton corps et sur ton esprit. Il y a des courses où tu souffres peu, Theillay fut l'une d'entre elle pour moi, mais c'est assez rare. La majorité du temps tu passes par toutes les phases, du plus profond abattement à la plus extrême exaltation. C'est infiniment fort, intime, et en même temps c'est un partage intense avec les personnes qui te suivent, qui t'accompagnent, toutes les personnes qui sont sur la course car tu sais qu'elles cheminent intérieurement comme toi. On apprend énormément sur soi, énormément. C'est une Merveilleuse Aventure Intérieure. Sur ce genre de course, on est avec soi, face à soi, contre soi. |
100km de Theillay (Photo Christophe Rochotte) |
Trail des Marcaires (Photo N. Fried) |
CM : Je pense que c'est surtout le trail qui prend chaque année plus d'ampleur. Il est très médiatisé, c'est la discipline à la mode. Dans quelques années peut-être que cela sera autre chose ? Je pense que les gens aiment ce retour à la nature, ça leur fait du bien dans ce monde qui est de plus en plus industrialisé. Dans un sens un certain retour aux sources ? De plus les marques avancent de plus en plus dans ce domaine c'est très bien, ça fait de la publicité.
Le 100 km a toujours existé, mais c'est vrai que l'on en parlait plus qu'il y a quelques années. Il y a de moins en moins d'athlètes intéressés par cette distance, c'est dommage. Les organisateurs ne font peut-être pas assez de choses pour remotiver les troupes ? Je t'avoue que chez moi c'est une question de Passion, donc je me pose assez peu la question. Surtout que je n'en vis pas du tout, je paye plutôt pour la vivre. L'annulation des Mondiaux cette année est une succession de malchance, on ne peut pas l'analyser autrement. L'année prochaine nous serons en Lettonie fin août pour je l'espère de belles équipes au-devant de la scène autant chez les hommes que chez les femmes. J'espère aussi que le staff sera capable de motiver au mieux les équipes, cela joue également énormément. |
Quels seront tes objectifs de fin d'année ? Et pour la saison 2013/2014 ?CM : Là je vais faire des courses régionales pour mon team Jog'R et me faire plaisir, puis la saison de cross. Ensuite je n'ai pas encore tout à fait défini le planning de 2014. A part les Mondiaux en Lettonie bien sûr fin août, je pense faire un marathon, ou un 100 km au printemps pour tenter un beau chrono. J'aimerais également regagner de la vitesse sur 10 et semi, donc à voir. Rien n'est encore fixé. Mais il y a de belles choses à faire et je pense que ce sera une très belle saison. |
Jog'R le Team 2013 (Photo N. Fried) |