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Le Tor des Géants : Interview croisée de Jeff Bombenger et Mathieu Motsch


Lundi 27 août, démarre l’édition 2018 de l’UTMB. Une semaine plus tard, du 9 au 16 septembre, se déroule le Tor des Géants. Une épreuve d’Ultra-Trail de 330 km pour 24 000m de dénivelé positif autour du Val d’Aoste. Un Ultra que Mathieu Motsch a terminée l’année dernière prenant la 22ème position alors coaché et accompagné par Jean-François Bombenger. Cette année c’est le coach qui se lance dans l’aventure ! 2 semaines avant le départ nous avons rencontré les 2 trailers pour une interview croisée... >> www.tordesgeants.it.


Mathieu, il y a 1 an tu as couru et terminé 22ème du Tor des Géants en 96h47’24’’. Quel regard portes-tu sur ce défi réussi 1 an après ?

[ Mathieu ] Bizarrement je ne le voyais pas comme un « défi » mais comme une suite logique, ayant fait plus d’une quinzaine de course entre 90 et 160km, de Chamonix, à la Réunion en passant par le Madère et le Mercantour. Un « objectif » qui, grâce à mon coach Jeff, a était minutieusement préparé (9 mois où l’on pense tous les jours à ça !!) : préparation musculaire, volume d’entraînement et courses de préparation, reconnaissance du parcours…

Au finale je l’ai vécu comme une aventure : même si la 1ère moitié du parcours (jusqu’à Cogne) j’étais en mode « course » pendant 30h, la 2ème partie fut véritablement une aventure dans le sens où il y avait d’intenses moments de solitude, de doute, de partage avec mon assistance, mais également de bonheur, de paysages magnifique…et juste une envie de terminer une boucle quelque soit le temps et la place !

Enfin il y a l’après TOR, avec des messages d’encouragements très très touchants mais une fatigue que l’on oublie trop facilement. Un besoin de refaire des courses plus raisonnables et avec plus de « course à pied »…tout en ce disant qu’avec une 1ère expérience ça serait quand même bien d’y retourner...


© Photo : Nicolas Fried
Jeff, quel a été le déclic qui t’a décidé à te lancer à ton tour dans l’aventure du Tor des Géants ?

[ Jeff ] Depuis la première édition (2010) c’est une épreuve que je suis en tant qu’observateur. Elle m’a directement intriguée... j’ai eu la sensation qu’on était proche d’un Raid aventure en pleine montagne. Le rêve en quelque sorte. Je suis un fan absolu du Val d’Aoste et je ne faisais que « repousser » par crainte de pas être prêt pour une aventure de la sorte. Mais il faut bien l’avouer que de suivre Mathieu l’année dernière m’a complétement « retourné ». Pas que moi d’ailleurs, mes 2 potes Christophe Dietrich et Thibaut Krieger qui m’ont épaulés pour l’assistance de Mathieu en sont également revenus complétement bouleversés. La veille de l’inscription je me suis décidé en faisant une sortie Trail tout seul. Me suis simplement dit « pourquoi attendre ? » Vivre ses rêves en quelque sorte.
Mathieu l’ayant vécu, Jeff allant le vivre dans quelques jours, pouvez-vous présenter et décrire ce parcours autour du Val d’Aoste ?

[ Jeff ] C’est un parcours qui a un sens logique : le Tour du Val d’Aoste. Je suis attaché aux logiques de parcours. Faire des bornes pour faire des bornes ne m’intéresse pas. C’est un parcours très montagnard où se mêlent de très longues ascensions, une altitude moyenne très haute et une technicité assez importante. Mais surtout nous passons à proximité du Mont-Blanc, du Grand Paradis, du Mont-Rose, du Cervin et du Grand Combin. Un parcours d’une beauté assez exceptionnelle. Mais surtout c’est toute une région qui vous accueille.
J’ai pas mal bourlingué en 15 ans de Trail et je n’ai jamais senti cette ferveur ailleurs ! Pour preuve je reviens d’une reconnaissance où un agriculteur m’a crié dessus de son champs et dévalé à toute vitesse vers moi. Un échange improbable à 2400m d’altitude d’un agriculteur qui m’a conseillé pendant 15min et qui à la fin m’a donné rendez vous en septembre. « Bonne chance mon ami ! » J’en ai encore les frissons.

[ Mathieu ] au final c’est le coach qui connait mieux le parcours que moi ! La grosse différence par rapport aux autres ultras que j’ai pu faire est dans la durée des ascensions (et des descentes). En effet +/-1500m ou 2000m, à des allures faibles, cela peut sembler interminable !

Matthieu, tu avais un assistant de choix l’année passée ; seras-tu à ton tour l’assistance de Jeff cette année ?

[ Mathieu ] Il est vrai que l’an dernier j’ai bénéficié d’une assistance en or avec Jeff et 2 autres amis. Ils en ont des souvenirs inoubliables et c’est un réel temps de partage et au final, également une aventure ! Etant prof, j’ai déjà bénéficié l’an dernier d’un congé exceptionnel de la part de mon proviseur pour participer à la course. Malheureusement je ne vivrais pas la course de Jeff aussi prêt que je l’aurais voulu !

[ Jeff ] Ce sera ma petite famille (ma femme et mes 2 filles Capucine et Lilou) qui va me suivre. Elles ont l’habitude de me faire une assistance sur toutes les grandes courses (UTMB, TDS...) et sont presque plus motivés que moi ! Sur une épreuve du calibre du Tor nul doute que ce soutien est fondamental et je me réjouis déjà de partager cette aventure avec elles.

© Photo : Nicolas Fried


© Photo : Nicolas Fried
On parle souvent de surenchère des km en trail, le Tor des Géants en est un exemple avec ses 330 km pour 24 000 de dénivelé positif. Vous qui avez participé à tout type de format de course, quel est votre approche sur ce débat ?

[ Jeff ] Si je reste à mon idéal de Trail je dois avouer que ce qui me chagrine ce n’est pas tant la surenchère des km en trail mais plus le fait d’organiser des Trails où il n’y a guère de choses à voir et où on nous fait tourner dans tous les sens pour avoir du km. Je fuis clairement de plus en plus ce genre de Trails.

Pour moi le Tor des Géants est moins dangereux que « la paresse » à travers des activités diverses comme le canapé, les chips, la clope, les ascenseurs, la voiture...

Mais voilà je suis aussi coach et je me lance après 15ans de Trail et plus de 25ans de course à pied. Il est clair que je ne peux que conseiller aux traileurs de pas bruler les étapes.

Et surtout d’avoir une préparation aboutie, pensée et progressive.

[ Mathieu ] Jeff a presque tout dit en parlant du « sens » d’un parcours (un tour, une traversée, des paysages à observer, des passages à franchir…). Pour moi, en tant que coureur, ma limite personnelle se situe au niveau de l’UTMB ou de la Diagonale des fous. Au-delà, on s’éloigne plus du monde de la course à pied et on rentre dans quelque chose d’autres (aventure, grande randonnée...), il y a la gestion du sommeil qui devient primordiale et il y a l’assistance qui entre encore plus en jeu. Après chacun à une limite au-delà de laquelle il met sa santé en jeu !

Jeff, comment as-tu préparé cet ultra ? Et comment as-tu prévu de gérer les dernières/ers semaines/jours avant la course ?

[ Jeff ] Je l’ai préparé à grosses doses de renforcement musculaire, de sorties vélos et de « périples » Trail dans les Alpes. J’ai également fait énormément de travail dans du vertical parce que le TOR c’est raide !! Autant dire que sur les trails « vosgiens » cette année j’en ai peu bavé.

Sur les conseils de Mathieu par rapport à son expérience de l’année dernière j’ai coupé très tôt l’entrainement (1 mois avant) et je me suis mis une dernière course de préparation (OCC/50 km/3000D+) 11 jours avant. Le but c’est de « se décharger » mentalement et physiquement. Ca rendra l’affutage avant et après plus facile à gérer... Le transat sera mon allié !
Mathieu, quels sont les derniers conseils que tu peux donner à Jeff ?

[ Mathieu ] Il sait tout ce qu’il faut faire car il y déjà décortiqué cette course depuis quelque année, il connait le parcours mieux que personne et son cobaye de l’an dernier a fait tellement d’erreurs... qu’il ne partira pas trop vite, qu’il n’attaquera pas dans les descentes, qu’il pensera à faire de siestes et encore des siestes les jours d’avant, et qu’il dormira bien avant qu’il ne soit fatigué !! Les derniers conseils que je peux donc lui donner :
  • C’est de profiter de son assistance au maximum car elles (sa femme et ses filles) seront là pour lui et ce ne sera pas du temps de perdu mais du « positif » pour la suite de ce long parcours,
  • C’est de profiter pleinement des paysages et de l’ambiance du Val d’Aoste, lui qui aime l’Italie presque qu’autant que sa ville de Colmar,
  • C’est de ne pas prendre une 2ème assiette de pâte au ravito sous prétexte qu’elles sont trop bonnes (je sais pas si on peut mettre ça).

© Photo : Nicolas Fried

Merci à tous les 2 - nous suivrons avec attention ce Tor 2018 ! Profites un maximum Jeff. >> www.tordesgeants.it.

Interview réalisée par Nicolas Fried.

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